Éloge à Lama Zopa Rinpoché, par la Vén. Robina Courtin

Table des matières

Le 13 avril 2023 à 9 h 30 au monastère de Kopan au Népal, Lama Thoubtèn Zopa Rinpoché, le maître et directeur spirituel le plus précieux de la FPMT, est entré dans sa dernière méditation. Bien qu’il soit difficile de rendre compte de l’extraordinaire vie de Rinpoché, nous partageons néanmoins l’éloge funèbre ci-dessous, rédigé par la Vénérable Robina Courtin, afin que nous puissions nous réjouir de tout cœur des innombrables réalisations, enseignements, bénédictions et activités de Rinpoché et que nous soyons inspirés pour suivre ses traces.

Traduit de l’anglais par les Éditions Mahayana (2023). Tous droits réservés. Lien du texte original

« C’est le mode de vie du bodhisattva, c’est le mode de vie du bodhisattva »


Rinpoché ne quittait jamais ses robes, il ne s’allongeait jamais, il n’étendait jamais ses jambes – il était toujours assis en position de méditation. Indiana, États-Unis. 1974. Photo de Barry Kaplan.

Lorsque le Vén. Roger Kunsang est devenu l’assistant de Lama Zopa Rinpoché en 1986, il n’avait aucune idée de ce que cela impliquait. Il a décidé de simplement suivre les instructions de Rinpoché et de faire tout ce qui serait nécessaire. 

Mais Rinpoché n’exprimait jamais aucun besoin. Il ne demandait rien. Si vous ne mettiez pas une tasse de thé devant lui, il ne prenait pas de thé. Il y avait toujours une porte ouverte. Les gens entraient pendant que Rinpoché déjeunait et il commençait immédiatement à discuter avec eux. Même si quelqu’un était entré par la fenêtre à trois heures du matin, Rinpoché aurait été très conciliant, sans manifester d’étonnement. Les souhaits de chacun devenaient la priorité de Rinpoché.

Rinpoché donnait tout ce qu’il avait : statues, thangkas, malas, ses robes, de l’argent. Vous pouviez être sûr que le cadeau que vous aviez offert à Rinpoché lors de votre visite finirait dans les mains de la personne suivante.

Il n’y a jamais eu de discussion sur la durée des visites qu’il recevait. Rinpoché n’a jamais manifesté la moindre impatience ou contrariété. Il n’a jamais exprimé le souhait d’une structure ou d’un emploi du temps : temps de repos, horaires pour les rendez-vous, horaires pour les repas, horaires pour ceci et cela. 

Rinpoché ne se couchait jamais. L’inconscience du sommeil lui semblait une perte de temps insupportable. Il ne retirait jamais sa robe de moine, ne s’allongeait jamais, ne s’étirait même pas les jambes – il était toujours assis en position de méditation. 

Il n’y avait pas de pause pour Rinpoché, et toute suggestion de faire une pause n’avait littéralement aucun sens pour lui.

Lorsque Rinpoché a entrepris de parcourir le monde pour se rendre dans les centres du Dharma dont il était désormais responsable, succédant à Lama Thoubtèn Yéshé après la mort de ce dernier en 1984, ce fut la même chose, toute la journée, tous les jours, d’année en année. C’était l’aéroport, le centre, l’aéroport, le centre. Dès qu’ils arrivaient dans un centre, il était disponible 24 h/24 – pas huit heures ou dix heures, mais en permanence. Il enseignait tard dans la nuit, déjeunait à minuit, écrivait des courriers et travaillait sur les besoins des centres jusqu’au petit matin.

Rinpoché et Lama Yéshé ont commencé leurs tournées d’enseignement dans le monde entier en 1974 ; ici, à Bangkok, en 1974.

Chaque jour, des centaines, puis des milliers de lettres provenant d’étudiants et de centres réclamaient l’attention de Rinpoché. Il n’y a jamais eu d’inquiétude à ce sujet et Rinpoché pouvait passer des jours, voire des semaines, sur une lettre : un homme incarcéré a ainsi reçu une lettre de quarante-cinq pages dactylographiées.

Des étudiants de Amitabha Buddhist Centre accompagnent Rinpoché à l’aéroport de Changi, Singapour, septembre 2022. Photo du Vén. Lobsang Sherab.

C’est ainsi que Rinpoché a pris la relève de Lama. Il était cent pour cent déterminé à être bénéfique à autrui, exactement comme Lama, et c’est ainsi qu’il s’y est pris.

Rinpoché recevait chaque année des milliers de lettres d’étudiants en quête de conseils. Un homme en prison a reçu une réponse de 45 pages de Rinpoché. Ici, il dicte à la Vénérable Holly Ansett.

Au bout de quelques années, Vén. Roger a fini par baisser les bras et abandonner – il a abandonné l’idée de trouver des solutions pour que Rinpoché puisse se reposer. « Je me souviens m’être dit, très clairement, et c’est sorti de ma bouche, spontanément : ‘C’est le mode de vie du bodhisattva, c’est le mode de vie du bodhisattva.’ »

Rinpoché ayant visité le site du Grand Stoupa, près de Bendigo en Australie, peu de temps avant d’être victime d’un accident vasculaire cérébral. Le 15 avril 2011. Photo de Ven. Roger Kunsang.

Encore plus de compassion 

Rinpoché n’a jamais demandé aux médecins ce qui n’allait pas ; ici, joyeux à l’hôpital, le 29 avril 2011. Photo de la Vénérable Holly Ansett.

Rinpoché a repoussé les limites de son corps au-delà du raisonnable et, en 2000, à Singapour, il a fini par en payer le prix. Les médecins ont diagnostiqué chez Rinpoché un diabète de type 2 et une tension artérielle très élevée. 

Puis, en 2011, alors qu’il donnait une initiation de Yamèntaka en Australie, Rinpoché a été victime d’un accident vasculaire cérébral et hospitalisé. Les premiers jours, il oscillait entre conscience et inconscience, mais il n’a pas manifesté le moindre intérêt pour ce qui lui arrivait ; il n’a jamais posé la moindre question aux médecins.

Pour Rinpoché, c’est comme si rien n’avait changé. Il était détendu et calme, s’adaptant sans effort à sa nouvelle situation, le côté droit de son corps étant paralysé et son élocution altérée. Il se réjouissait de ses limitations physiques, les subissant avec joie pour le bien des autres.

Vén. Roger avait l’impression que le désir de Rinpoché de servir et d’être bénéfique était encore plus intense, et sa compassion encore plus extraordinaire.

Rinpoché n’a pas souhaité participer aux programmes thérapeutiques recommandés. « Nous avons insisté encore et encore » a déclaré Vén. Roger. « Il en faisait un peu, puis il abandonnait. » 

L’assistant de Rinpoché, le Vén. Roger, a installé son bureau dans la chambre d’hôpital de Rinpoché, le 28 avril 2011. Photo de la Vénérable Holly Ansett.
Une note joyeuse de Rinpoché à l’hôpital – son “hôtel 5 ou 10 étoiles” ! – écrit de sa main gauche.

Au lieu de cela, dès qu’il a constaté que ses draps seraient lavés puis utilisés par d’autres patients, Rinpoché s’est mis à réciter des mantras et à bénir les draps. Dans la piscine d’hydrothérapie, il passait son temps à dire des mantras et à bénir l’eau pour les autres patients, ne montrant aucun intérêt pour ses propres exercices.

Chaque seconde de sa vie était littéralement consacrée aux autres, et chaque décision était basée sur ce qui serait le plus bénéfique – même celle de vivre ou de mourir. Vén. Roger se souvient de deux occasions où Rinpoché lui a dit qu’il ferait une divination pour voir s’il devait mourir ou non.

Avec Rinpoché, il n’y avait aucun signe du « moi » ordinaire ; il n’existait tout simplement pas. 

«Là, c’est chez moi!»

Lama Thoubtèn Zopa Rinpoché est né au lever du soleil le 3 décembre 1945, le dernier jour du dixième mois de l’année de l’Oiseau de bois dans le calendrier lunaire tibétain, à Thangmé, un village de la région du Khoumbou au Népal, dans l’Himalaya.

Dès l’âge de deux ou trois ans, il était évident qu’il savait ce qu’il voulait. Il s’appelait alors Dawa Tcheutor et vivait au sein d’une grande fratrie dans une famille sherpa. Dès que sa mère, Yangtchèn, tournait le dos pour aller chercher de l’eau, surveiller les champs de pommes de terre ou ramasser du bois, il disparaissait, remontant avec détermination le long chemin escarpé et sinueux qui menait à la grotte du Lama de Lawoudo, le vénéré yogi local Kunsang Yéshé, décédé quelques années plus tôt. 

Rinpoché a rencontré ses premiers Occidentaux à Rolwaling, au Népal, en 1952. Photo de Tom Weir.

On le retrouvait endormi dans le refuge situé à mi-chemin sur la montagne, raconte sa sœur Ngawang Samtèn. Lorsqu’on lui demandait de « rentrer à la maison », il pointait du doigt la grotte et répondait : « Non, là, c’est chez moi ! »

Ani Samtèn raconte qu’il était différent des autres enfants, qu’il s’asseyait à l’écart ou sur une boîte en hauteur lorsqu’il prenait ses repas. Et quand il jouait, il jouait toujours le rôle du lama : il dirigeait des poujas, donnait des initiations et annonçait les noms des bienfaiteurs du Lama de Lawoudo, en disant qu’ils allaient venir.

À l’âge de trois ans, Rinpoché fut ravi lorsque Ngawang Tcheupèl, l’assistant du Lama de Lawoudo, vint en visite. Il n’arrêtait pas de pleurer au moment de son départ, déclarant qu’il devait partir avec lui. Bien que de nombreux lamas, y compris le lama local très apprécié, Trulshik Rinpoché, aient rapidement reconnu qu’il était bien la réincarnation de Lama Kunsang Yéshé, ce n’est que des années plus tard que la famille de celui-ci, qui était un yogi laïc, l’a admis.

À l’âge de cinq ans, il fut envoyé dans les montagnes à Rolwaling, à l’ouest du Khoumbou, pour étudier auprès d’un de ses oncles. 

C’est là, en 1952, qu’il aperçut pour la première fois des personnes aux « yeux blancs et aux cheveux jaunes », comme les Sherpas décrivaient les Occidentaux, car un groupe d’entre eux campait dans une prairie de l’autre côté de la rivière. Désireux de les rencontrer, il traversa la rivière sur le pont de fortune, mais il tomba dans l’eau avec son cadeau de pommes de terre bouillies avant d’atteindre l’autre rive. Rinpoché a raconté plus tard qu’alors qu’il luttait pour garder la tête hors de l’eau, il lui était venu à l’esprit que la personne connue sous le nom de Lama de Lawoudo était sur le point de mourir, mais bien qu’il ne sache rien de la vacuité, « il n’avait pas peur ».

Une nouvelle direction

Rinpoché à Phagri, au Tibet, en 1957, où il a rencontré pour la première fois des moines Guéloug.

En 1957, des oncles – son père étant décédé lorsque Rinpoché était bébé – partirent en pèlerinage à Lhassa, emmenant Rinpoché avec eux. Ils visitèrent plusieurs lieux saints, comme Tashi Lhunpo, puis déposèrent Rinpoché chez un oncle à Phagri, une ville commerçante située entre le Sikkim et le Bhoutan, avant de se rendre à Lhassa.

C’est là qu’il rencontra un moine nommé Lozang Gyatso, qui lui demanda s’il voulait devenir son élève. « Oui ! » répondit Rinpoché avec joie – et fit mûrir le lien de Rinpoché avec la tradition guélougpa. Il s’installa avec lui dans le monastère qu’il dirigeait à proximité, une branche du monastère Dungkar de Dromo Guéshé Rinpoché, dans la vallée de Dromo, à une journée de marche au sud de Phagri.

Lorsque sa famille revint de Lhassa pour le chercher six mois plus tard, impatiente de retourner au Népal et de le faire introniser comme Lama de Lawoudo, Rinpoché déclara fermement qu’il ne voulait pas partir : il était heureux de sa nouvelle vie en tant que moine guélougpa. 

Insensible à leurs cajoleries et à leurs menaces, il tint bon. Avec le soutien des autorités locales, qui le déclarèrent assez grand, à 12 ans, pour décider par lui-même, il resta pour poursuivre ses études. Comme d’habitude, Rinpoché savait ce qu’il voulait.

Cette année-là, Rinpoché prononça ses vœux de moine novice auprès de Guéshé Thoubtèn Jinpa, l’abbé de Dungkar, et reçut le nom de Thoubtèn Zopa. 

Rinpoché poursuivit ses études et, impressionné par les moines guélougpa, il décida qu’une fois adulte, il construirait de nombreuses gompas et des monastères.

À gauche : Rinpoché, devant à gauche, avec la Vénérable Freda Bedi, au centre dans la rangée du fond, et d’autres toulkous à la Young Lamas Home School, où il a passé du temps à Delhi et Dalhousie, en 1962 et 1963. Photo avec l’aimable autorisation des Archives Shambhala. À droite : Rinpoché à Darjeeling.

Fuite en Inde

Le projet de l’envoyer au collège Djé du monastère de Séra à Lhassa a été contrecarré par le soulèvement contre les communistes chinois. Accompagné par Vén. Lozang Gyatso, Rinpoché s’échappa en Inde via le Bhoutan, un court voyage, où il arriva à l’automne 1959. 

Rinpoché fut envoyé à Buxaduar, non loin de là, dans un vieux fort qui avait servi de prison à l’époque des Britanniques et qui fut mis à disposition par le gouvernement indien pour héberger les milliers de moines tibétains qui affluaient maintenant à la frontière.

Rinpoché au jardin botanique de Darjeeling, 1961, après un pique-nique avec Kyabdjé Ling Rinpoché et ses accompagnateurs. Photo publiée avec l’aimable autorisation de Thubtèn Tséring.

Sans une décision fortuite du commissaire de police chargé des réfugiés tibétains à la frontière, la vie de Rinpoché aurait pris une tournure bien différente. En fait, il aurait dû se rendre avec d’autres moines de Phagri dans l’un des monastères de la branche Dromo à Ghoom, près de Darjeeling, mais on ignore pourquoi, le policier décida que Rinpoché devait se rendre à Buxa.

Rinpoché plaisantait plus tard en disant que s’il était allé à Darjeeling, il aurait peut-être rendu les vœux, se serait marié et aurait eu beaucoup d’enfants et de petits-enfants !

En 1961, il passa en fait quelques mois dans l’un des monastères de Ghoom, Samtèn Tcheuling, pour se remettre d’une tuberculose. Il se trouve que Kyabdjé Ling Rinpoché, le tuteur principal de Sa Sainteté le Dalaï Lama, était également présent, lui aussi pour des raisons médicales. Il prenait ses repas avec lui, recevait des enseignements, puis ils « se promenaient et jouaient ensemble », comme le décrit l’actuel Ling Rinpoché.

Ils se revirent dix ans plus tard, à Bodhgaya, lorsque Rinpoché reçut l’ordination complète auprès de Kyabdjé Rinpoché.

Outre quelques séjours dans une école pour jeunes lamas réincarnés dirigée par l’Anglaise Freda Bedi, d’abord à Delhi puis à Dalhousie, et son séjour à Ghoom, Rinpoché a passé la majeure partie des sept années suivantes à Buxa. 

Rinpoché a reçu les premiers enseignements de Lama Yéshé en exil à Buxaduar en 1963 et est resté avec lui en tant que disciple de cœur jusqu’à ce que Lama décède vingt ans plus tard. Ici, dans les montagnes près de Lawudo, en 1970. Photo de Terry Clifford.

Rencontre avec Lama Yéshé

C’est à Buxa, en 1963, grâce à ses liens avec l’érudit du monastère de Séra, Guéshé Rabtèn, avec qui il vivait et étudiait – Rinpoché ayant été accepté à Séra Djé peu après son arrivée – que Rinpoché commença à recevoir des enseignements de son compagnon d’études Lama Yéshé, qui avait dix ans de plus que lui. Rinpoché avait alors 18 ans. 

Ils se connaissaient déjà depuis le début à Buxa, ayant tous deux assisté aux enseignements de Guéshé Rabtèn – Rinpoché se souvient avoir été ému par la dévotion de Lama. Mais Guéshé Rabtèn partait pour Dharamsala et Lama Yéshé était l’un des moines auprès de qui Guéshé-la avait suggéré à Rinpoché d’étudier. 

D’après les dires de Rinpoché, le premier enseignement n’était pas de bon augure. Pour certaines raisons, il hésitait à gravir la colline jusqu’à la maison de Lama – en partie, disait-il, parce qu’il n’avait pas d’offrande : « Lorsque vous entrez en contact pour la première fois avec le maître, il est important de faire les offrandes correctement. » Une fois sur place, Rinpoché ne comprit pas un seul mot de l’enseignement du Lama et pensa : « Si seulement il parlait plus lentement ! » Mais il revint le lendemain, puis le surlendemain, et finit par emménager. 

Rinpoché resta le disciple de cœur de Lama Yéshé pendant les vingt dernières années de la vie de Lama.

Le monastère de Kopan : un établissement à double vocation

Les lamas rencontrèrent Zina Rachevsky, la première de leurs étudiants étrangers, lors d’un second séjour de convalescence à Darjeeling, en 1967. Ils finirent par s’installer avec elle à Boudhanath, dans la vallée de Katmandou, au Népal, et fondèrent bientôt le monastère de Kopan, sur une colline située au nord du stoupa sacré.

À gauche : Rinpoché chez Zina Rachevsky, la première étudiante étrangère des lamas, Darjeeling, 1967. Photo publiée avec l’aimable autorisation de LYWA. À droite : Avec Lama et Zina. Photo de Nikolaus Dutschke.

Ils avaient eu la bonne idée d’étudier l’anglais à Buxa, découvrant au passage qu’il n’était pas utile d’apprendre par cœur des dictionnaires anglais à la manière traditionnelle tibétaine ! Ils ont ainsi pu facilement conquérir le cœur de leurs nouveaux disciples, avides d’une nouvelle façon de se voir et d’envisager le monde.

En 1969, la famille du précédent Lama de Lawoudo finit par offrir les terres et les biens du lama à Rinpoché, y compris la grotte du lama, où il avait passé les dernières années de sa vie en méditation.

Rinpoché a recouvré la grotte du Lawoudo Lama en 1969. Ici, il offre une torma, en 1970. Photo de Robbie Solick.
Les moines du Centre du Mont Everest à Lawoudo, 1973, avec, à l’arrière, Lama Lhoundrup Rigsèl. Photo de Nick Ribush.

Et c’est là que d’anciens disciples du lama demandèrent à Rinpoché de créer un centre éducatif pour les garçons de la région. Le « Mount Everest Center » ouvrit ses portes en 1972 pour accueillir une trentaine de moines, dont les réincarnations de quatre lamas de la région. 

Ils descendaient à Kopan pour l’hiver et finirent par y rester. Là, ils furent pris en charge par Lama Lhundroup Rigsèl, un étudiant de Lama Yéshé de Séra qui était avec Lama à Buxa. Lama Lhundroup continua à s’occuper des moines de Kopan jusqu’à sa mort en 2011.

Lama Lhoundroup, à gauche, s’est occupé des moines de Kopan de 1973 jusqu’à sa mort en 2011. À droite, Rinpoché avec Gélék Gyatso Rinpoché, l’un des quatre toulkous du premier groupe de moines du Centre du Mont Everest, et d’autres moines, à Kopan, en 1974. Photo d’Ursula Bernis.

Kopan est ainsi devenu un établissement à double vocation : un monastère bouddhiste tibétain classique qui reprenait le programme du propre monastère des lamas, Séra Djé, dont il fut ensuite reconnu comme une branche ; et, par la suite, un lieu où les étrangers pouvaient venir étudier et faire des retraites tout au long de l’année. Une combinaison improbable, mais qui a fonctionné à merveille.

Lama Yéshé avec des étudiants du Mount Everest Center dans le jardin, monastère de Kopan, 1979.
Rinpoché, Lama et des amis sur les marches du monastère de Kopan, Népal, 1970. Photo publiée avec l’aimable autorisation de LYWA.

Lama et Rinpoché étaient tous deux convaincants et charismatiques, attirant des étudiants partout. Chacun à leur manière, ils étaient la preuve vivante de l’efficacité de la voie de la sagesse et de la compassion qu’ils enseignaient. Ils ont initié leurs étudiants à l’idée – propre au bouddhisme et véritable révélation en Occident – que leur existence n’est pas figée, que leur esprit peut être radicalement transformé, que les idées erronées ne sont pas une fatalité et que les souffrances qu’elles engendrent ne sont pas infinies. « Vous pouvez donner à votre esprit la forme que vous voulez », leur disait Rinpoché.

Rinpoché et Lama, devant, avec les participants du premier cours de méditation du lamrim à Kopan, avril 1971. Avec l’aimable autorisation de Fred von Allmen.

Le disciple parfait

Rinpoché et Lama à Solu Khoumbou, 1972. Photo avec l’aimable autorisation de LYWA.

Rinpoché était certainement le plus précieux des cadeaux pour ces nouveaux étudiants, qui ne savaient pas du tout comment se comporter avec un lama, un mentor spirituel. Rinpoché montrait l’aspect du parfait disciple : comportement irréprochable, doux, raffiné, élégant même. 

Cette dévotion exemplaire en dit autant sur l’objet de la dévotion de Rinpoché que sur Rinpoché lui-même – sinon, comment ces disciples sans formation auraient-ils pu savoir que ce moine chaleureux, ouvert, presque enfantin, Lama Yéshé, était en fait un yogi et un érudit accompli ? Rinpoché semblait correspondre à leur vision d’un saint homme, contrairement à Lama. Rinpoché leur a montré exactement comment se comporter. 

Rinpoché a déclaré plus tard que Lama Yéshé, « dont le nom sacré est difficile à prononcer, était plus bienveillant que les bouddhas des trois temps et m’a nourri, matériellement et spirituellement, avec bien plus de bonté que ne l’ont fait mes parents de cette vie. »

Un pandit

Lama était l’homme fort qui supervisait le développement de Kopan. Mais le pouvoir de Rinpoché se manifestait lorsqu’il enseignait. Il était clair qu’il n’était pas seulement un yogi, mais aussi un pandit : outre la méditation, son seul intérêt depuis l’enfance (outre l’apprentissage de l’anglais) avait été d’étudier l’immense corpus de la littérature bouddhiste.

Pendant les cours intensifs de lamrim d’un mois organisés à Kopan, qui débutèrent en 1971 et furent bientôt connus sous le nom de Cours de novembre, Rinpoché faisait des exposés très longs et enthousiastes. Il était incroyablement généreux, ne se lassait jamais, entrant dans les détails les plus complexes du chemin vers l’éveil. 

Et c’était est exactement comme si vous entendiez les enseignements de la bouche de Djé Tsongkhapa lui-même, intacts et sans modifications depuis qu’il les avait énoncés au Moyen-Âge. 

Les enseignements de sagesse de Rinpoché étaient incisifs, complexes et clairement fondés sur l’expérience. Si vous étiez assez courageux pour vous engager dans le débat, vous vous retrouviez là, désarmé par son sourire, répondant avec assurance aux questions posées en douceur – et puis, tout à coup, Rinpoché vous mettait en porte-à-faux et vous perdiez totalement pied.

Les enseignements de Rinpoché étaient longs et détaillés, mais aussi joyeux. À gauche : au cours de novembre 2014 à Kopan. Photo du Vén. Thoubtèn Kounsang. À droite : en Californie, en 1975. Photo de Carol Royce-Wilder

Les enseignements de Rinpoché sur la souffrance des êtres étaient plus que sincères. Il exhortait ses étudiants à développer une compassion « insoutenable » et le désir fervent de les libérer tous, pour toujours, « par soi-même, seul ».

Le feu et le soufre des fondamentalistes religieux n’étaient rien en comparaison des descriptions élaborées et époustouflantes de Rinpoché sur les mondes infernaux dans lesquels on peut tomber, sur les conséquences désastreuses du karma négatif et des promesses non tenues. Mais cela était compensé par l’hilarité de Rinpoché, sa joie et sa douce affection pour tout le monde.

Lama aussi enseignait pendant ces cours et ses interventions étaient totalement différentes : modernes, psychologiques et incroyablement encourageantes, en particulier dans ses descriptions de notre merveilleux potentiel – le mot « enfer » ne franchissait jamais ses lèvres ! Sa compréhension des esprits modernes et sa capacité à communiquer étaient surprenantes. On se laissait emporter par Lama : l’éveil semblait si facile à atteindre !

Un yogi

Grâce à l’amour férocement protecteur de Lama, Rinpoché put se plonger jour et nuit dans ses études et sa méditation, faisant souvent des retraites. Après une retraite, Lama confia à un étudiant : « Je pense que nous avons un vrai bébé bouddha maintenant ! »

Rinpoché avait déjà renoncé à tout désir de dormir la nuit des années auparavant, et il méditait donc tout au long de la journée. Il était devenu extrêmement maigre à la suite des épisodes de tuberculose à Buxa et resta ainsi pendant des années, prenant l’apparence de l’ascète qu’il était en réalité. 

Rinpoché et Lama à Lawoudo, 1969. Photo de Georges Luneau.
Rinpoché tenait la pratique des offrandes en haute estime, Bodhgaya, 1990. Photo d’Andy Melnic.

Rinpoché était alors réputé pour son dévouement à la pratique de la générosité : envers les êtres saints comme envers les êtres ordinaires. 

Il passait un temps infini à bénir ses repas et à les offrir aux bouddhas, mais ne les mangeait pas – comme une bonne maman, Lama Yéshé devait insister pour qu’il se nourrisse. 

Lors d’un court voyage en avion, après que Rinpoché avait passé tout son temps à bénir et à offrir son repas et juste avant qu’on ne lui enlève son plateau, Vén. Roger demanda à Rinpoché s’il voulait manger son repas. Aucune importance, répondit Rinpoché. « L’objectif principal a été atteint. »

Rinpoché dans un avion, attendant son repas pour l’offrir aux bouddhas, 2018, Photo du Vén. Roger Kunsang.

Les étudiants savaient qu’ils devaient renoncer à tout espoir d’obtenir une tasse de thé chaud, servie pendant les pauses des enseignements, tant la visualisation de l’offrande était longue. Les parents d’un directeur de centre disent avoir beaucoup apprécié les deux heures de bénédiction et d’offrande de Rinpoché pour le repas du soir qu’ils avaient préparé.

Lors d’une saison des pluies au monastère de Tcheugyé Tritchèn Rinpoché à Lumbini, Vén. Roger trouva Rinpoché absorbé en méditation au milieu de la nuit, son maillot de corps sur la tête, offrant son corps en pâture aux centaines de moustiques. 

Un artiste

Rinpoché a réappris à écrire avec sa main paralysée ; ici, il écrit le soutra de la Prajnaparamita à Kopan en janvier 2022. Photo par le Vén. Roger Kunsang.

Rinpoché était également un artiste ; il avait appris à peindre des thangkas lorsqu’il était enfant. L’un de ses étudiants, le sculpteur anglais Peter Griffin, raconte que Rinpoché adorait participer à la fabrication des statues et passait des heures à expliquer à quoi devrait ressembler la statue. 

Rinpoché ouvrant les yeux de la statue de Tara qui se trouve sous l’arbre de la bodhi devant la gompa principale de Kopan, 1976. Photo de Peter Iseli.

« On pouvait voir que Rinpoché entrait en communication avec la déité ou qu’il la voyait directement », explique Peter. « Il ne parlait pas seulement des éléments artistiques, il communiquait les qualités de la déité et exprimait comment elles devaient être représentées – comment le léger retournement du coin de la bouche ou la forme d’une paupière exprimerait la compassion du Bouddha, ou comment une légère modification de la silhouette attirerait davantage les gens. »

Rinpoché était calligraphe : son plus grand plaisir était d’écrire le Soutra du cœur (skt. Prajnaparamita Sutra) en lettres d’or. 

Et Rinpoché était même dessinateur humoristique. Ses dessins absurdes, naïfs et hilarants et ses délicieuses légendes sur le Dharma ont fait le tour du monde : dans des livres, sur des cartes, dans des lettres, sur des affiches dans l’enceinte des centres. 

L’une des nombreuses versions des Quatre amis harmonieux de Rinpoché.

Rinpoché était un expert pour les mélodies des prières et des instruments de musique utilisés lors des poujas. Les mélodies semblaient venir directement des dakinis et le son qui émanait des cymbales de Rinpoché était transcendant. Et chaque note était si claire, si précise.

Rinpoché offrant de la musique aux êtres saints. Photo de Bill Kane.

En fait, dans tout ce qu’il faisait, Rinpoché était exact, impeccable : ses enseignements, ses prosternations, ses offrandes de mandala, ses manières mêmes. Même ses momos étaient parfaits !

Même les momos de Rinpoché étaient parfaits ; il offre ici une soupe de momo. Melbourne, Australie, 1980. Photo avec l’aimable autorisation d’Uldis Balodis et de LYWA

Monastère de Kopan : la source de la FPMT

Kopan était la source de ce que Lama a nommé la Fondation pour la préservation de la tradition mahayana, qui, au moment de sa mort, s’était développée jusqu’à inclure des dizaines de milliers d’étudiants et une quarantaine d’organisations dans treize pays, comprenant des centres du Dharma, des lieux de retraite, des projets de service social, des maisons d’édition, des monastères – il y avait une centaine de moines et de moniales de nationalité étrangère – ainsi qu’un monastère pour les moniales de l’Himalaya, Kachoe Ghakyil, qui suit le même programme d’éducation que Kopan, juste en contrebas de la colline, et Lawoudo Gompa, dont se sont occupés au fil des ans la mère, la sœur et le frère de Rinpoché.

Dès les premiers cours de Kopan, les étudiants sont rentrés dans leur pays et ont fondé des centres de la FPMT. Quatrième cours de méditation, monastère de Kopan, printemps 1973. Photo avec l’aimable autorisation de LYWA.
À la mort de Lama Yéshé, en 1984, une centaine d’Occidentaux avaient été ordonnés moines et moniales. Ici, l’un des premiers groupes, à Bodhgaya, en 1974, avec la mère de Rinpoché, à l’extrême droite. Photo avec l’aimable autorisation de LYWA.
Rinpoché avec sa mère, son frère et sa sœur, qui ont tous dirigé Lawoudo au fil des ans ; ici à l’extérieur de la grotte, en 1990. Photo avec l’aimable autorisation de LYWA.

Lama et Rinpoché ne faisaient qu’un

Rinpoché et Lama, Chenrezig Institute, Australie, 1975. Photo par Nick Ribush, restauration par David Zinn.

C’était comme si les lamas ne faisaient qu’un : on disait toujours « Lama et Rinpoché ». Le décès de Lama, si jeune, à 49 ans, en mars 1984, a donc été un immense déchirement. Au début, Rinpoché a refusé de prendre la direction spirituelle de l’organisation (« Je suis complètement paralysé. Je ne peux penser à rien »), mais il a finalement accepté. 

La mort de Lama a été déchirante, ici à Vajrapani Institute, en Californie, en mars 1984. Photo de Jeff Nye.

Lors d’une rencontre avec Sa Sainteté le Dalaï Lama à Dharamsala l’année suivante, à laquelle assistaient Rinpoché et plusieurs membres de la FPMT, Sa Sainteté s’est tournée vers Rinpoché, qui était assis à côté de lui, profondément courbé en signe de dévotion, lui a tapoté affectueusement la tête et lui a dit : « Je suis vraiment heureux de mon vieil ami. Jusqu’à présent, ce que vous avez fait, vous l’avez très bien fait. Il semble que [votre organisation soit] l’une des organisations bouddhistes les plus stables et les plus efficaces, je pense, sur cette planète. En tant que bouddhiste, en tant que moine bouddhiste, j’apprécie donc vos efforts ». 

Après une année de deuil et de tristesse, ces mots ont été un baume sur leurs cœurs brisés.

Lors d’une réunion le 24 janvier 1985, près d’un an après la mort de Lama Yéshé, Sa Sainteté le Dalaï Lama a déclaré à Rinpoché : “Il semble que [votre organisation] soit l’une des organisations bouddhistes les plus stables et les plus efficaces, je pense, sur cette planète”. Ici avec Sa Sainteté à Sydney, Australie, septembre 1996. Photographe inconnu.

La lumière qui guide

Rinpoché célébrant le Losar à Taiwan, le 11 février 2013. Photo du Vén. Thoubtèn Kunsang.
Le Grand Stupa de la Compassion Universelle, près de Bendigo, Australie, 2023.

Pendant les quarante années qui ont suivi, Rinpoché a été la lumière guidant cette organisation, la FPMT, qui, en 2023, avait étendu ses activités à trente-quatre pays, tous établis et gérés par les étudiants des lamas : plus de centres du Dharma, plus de centres de retraite, plus de monastères pour moines et moniales ; des activités de publication en plusieurs langues, des projets liés à l’éducation universelle, l’immense statue de Maitréya en Inde, une magnifique réplique du Stoupa de Gyantsé en Australie, des services de soins palliatifs, des projets de services sociaux, notamment ceux destinés aux personnes incarcérées, ou encore des projets de libération des animaux : en tout, plus de 135 activités dont le seul but, tel qu’exprimé par Rinpoché, est de soulager la souffrance des êtres et de leur apporter le bonheur, le bonheur ultime de l’éveil.

Les moniales de Khatcheu Ghakyil en train de débattre. Photo du Vén. Thoubtèn Choying.

De nombreux autres projets ont été lancés directement par Rinpoché lui-même, gérés par son bureau et destinés principalement à financer des œuvres caritatives.  En 2022, par exemple, le Fonds de soutien au Sangha ordonné a consacré plus d’un quart des 4 millions de dollars à divers projets dans une quinzaine de monastères en Inde, au Népal et en Mongolie, ainsi qu’aux moines et moniales à l’étranger.

En 1991, Rinpoché avait créé un fonds alimentaire pour le monastère de Lama et Rinpoché, dans le sud de l’Inde. Le Fonds alimentaire de Séra Djé a commencé modestement et s’est développé jusqu’à fournir des repas végétariens quotidiens à environ 3 000 moines dans une cuisine nouvellement construite, pour un coût de 280 000 dollars par an. En 2018, le fonds de dotation de 5.3 millions de dollars a été remis à Séra Djé, dont les intérêts couvriront indéfiniment le coût de tous les repas.

École Maitreya, Bodhgaya, Inde, 20 janvier 2023.

Le Lama Tsongkhapa Teachers Fund, créé à la demande de Sa Sainteté le Dalaï Lama en 1997, verse une petite indemnité mensuelle à 150 enseignants guélougpa confirmés et abbés à la retraite, finance les frais de déplacement et de subsistance de centaines de moines afin qu’ils puissent assister à des événements liés à la tradition.

Rinpoché a également mis en place des projets pour construire des statues et des stoupas, peindre des thangkas, traduire et publier des textes, écrire en lettres d’or le Soutra du cœur (skt. Prajnaparamita Sutra) ; des fonds pour la récitation de soutras, les prières et les pratiques, pour offrir de l’or et des brocarts aux objets sacrés dans les monastères du Népal et de l’Inde ; des projets pour la construction de cliniques, pour la protection de l’environnement, pour aider les Tibétains âgés, les enfants, les animaux. 

Cette chèvre chanceuse, bénie par Rinpoché, qui venait d’être sauvée du boucher, vit désormais au Sanctuaire de libération des animaux, à Katmandou. Photo du Vén. Lobsang Shérab.

Tout existe si on le souhaite

Rien ne décourageait Rinpoché. Tout était possible. Comme il le disait souvent à ses étudiants, « Tout existe si on le souhaite » – et il n’avait pas peur de ses souhaits. Il ne s’inquiétait jamais de savoir d’où viendraient les fonds. Une abbesse de Taïwan raconta à Vén. Roger, après avoir rencontré Rinpoché ce matin-là, qu’elle avait fait un rêve la nuit précédente dans lequel la bodhisattva de la compassion, Kwan Yin, lui apparaissait et lui disait qu’une personne très spéciale allait venir et qu’elle devait « lui donner ce qu’il voudrait ». Que voulait Rinpoché ? Un capital d’amorçage pour le Fonds alimentaire de Séra Djé, qui serait bientôt créé.

Le Séra djé Food Fund offre des repas végétariens quotidiens aux plus de 3 000 moines du monastère.

Mais il ne s’agit là que de la partie émergée de l’iceberg. À un étudiant qui s’étonnait de ses nombreux projets, Rinpoché répondit : « Et je ne vous en raconte que cinq pour cent ! »

L’une des Vastes visions de Rinpoché est la prise en charge des personnes âgées. Les résidents de la maison de retraite Dhondenling, Kollegal, Inde, 14 juin 2016.

Vén. Roger se souvient bien d’un après-midi de 2007 à Kachoe Détchèn Ling, à Aptos, en Californie. Lors d’une pause pendant la retraite avec Rinpoché, ce dernier descendit avec une pile de Post-it bleus recouverts des deux côtés de l’écriture caractéristique de Rinpoché, avec ses idées, ses visions. 

Rinpoché s’installa et commença à les décrire. Elles jaillissaient de lui, toutes les innombrables choses qu’il voulait faire pour le bien des êtres : 100 000 stoupas dans le monde, 100 000 statues dans le monde, 1 000 statues de Maitréya dans le monde – pas seulement une ! Des projets de soutien aux monastères, des programmes d’éducation. Il continuait sans s’arrêter. 

Pour Vén. Roger, il était évident « qu’il se passait quelque chose de très inhabituel ». C’était comme si Rinpoché pouvait voir tout cela clairement. Ces idées sont aujourd’hui résumées dans la Vaste Vision de Rinpoché pour la FPMT. Et un grand nombre de ces visions sont déjà présentes dans les projets en cours.

Il n’y a pas de limite de temps, a dit Rinpoché. « Cela prendra plusieurs vies. »

Le maître est le Bouddha

Au fil des ans, Rinpoché a toujours pris le temps de faire des retraites, de prendre des initiations et de recevoir des transmissions orales de lignées de pratiques et d’enseignements. Si ses propres lamas ne détenaient pas une certaine lignée, Rinpoché recherchait des personnes qualifiées, quel que soit leur titre ou leur lieu de résidence, et vérifiait soigneusement leurs références avant de prendre un engagement. 

À gauche : Le premier maître-racine de Rinpoché, Kyabje Trijang Rinpoché, Dharamsala, Inde, 1971. Photo de Fred von Allmen. À droite : Rinpoché avec un autre de ses lamas, Sa Sainteté le 41e Sakya Trizin Rinpoché, au bureau international de la FPMT, le 15 août 2018. Photo par le Vén. Roger Kunsang.

Rinpoché était très attaché à une quarantaine d’amis spirituels, dont Khandro Tséringma Rinpoché (qui est également disciple de Rinpoché) : lors du cours de novembre 2019, Rinpoché déclara joyeusement aux étudiants qu’elle était son unique Lady-Gourou (« Maître-femme »).  

Lorsqu’il s’engageait auprès d’un maître, la dévotion de Rinpoché était totale. Sa Sainteté le Dalaï Lama, son autre maître-racine Trijang Rinpoché, Lama Yéshé, tous ses lamas  étaient des manifestations du même dharmakaya, l’esprit omniscient : « La sagesse transcendantale de tous les bouddhas, d’un seul et même goût dans la grande félicité, le dharmakaya : c’est cela le maître, le maître bienveillant, rempli de bonté. » 

Pour Rinpoché, avoir une vue pure voulait donc dire que chaque action, chaque mot, chaque réprimande, chaque maladie, chaque souffle du maître est un enseignement au seul bénéfice du disciple ; le maître montre l’aspect de tout ce qui est nécessaire à l’esprit du disciple.

Suivant les instructions de Lama Yéshé, Rinpoché organisait chaque année une retraite de Hayagriva très secret pour le bénéfice de la FPMT dans son ensemble. Vén. Roger se souvient bien de l’une de ces retraites, dans la campagne près de Melbourne, en Australie, au début des années 1990. Vén. Roger faisait sa propre retraite et, pendant les pauses, il nourrissait les trois chevaux qui paissaient là.

Comme d’habitude, Rinpoché était en silence, et Vén. Roger apportait sans bruit les repas de Rinpoché. Vers le dixième jour, à l’heure du petit déjeuner, Rinpoché l’accueillit, à sa grande surprise, par un « Bonjour ! ». 

« La retraite est terminée, Rinpoché ? » Non, répondit Rinpoché. « J’ai eu une pensée négative et j’ai décidé que je devais recommencer la retraite. » En fait, Rinpoché n’avait même pas commencé la sadhana – il en était encore à la phase de motivation ! 

Comment une telle intégrité pouvait-elle ne pas porter ses fruits ? Lors d’une retraite de groupe sur la même déité en Californie en 1997, Rinpoché évoqua avec les étudiants sa propre retraite et déclara : « elle a été extrêmement efficace, incroyablement efficace. Je ne sais pas si c’était lié au lieu, je n’en suis pas sûr. Mais c’était incroyable. C’est un lieu où j’ai pensé que je pourrais obtenir des réalisations. Cette pensée ne s’était jamais présentée, mais ici elle est venue. »

Au paradis à Kopan

Les voyages incessants de Rinpoché se sont arrêtés avec l’épidémie de coronavirus. Rinpoché est donc resté à Kopan après le cours de novembre 2019 et il y a passé les quatre années suivantes – il n’était jamais resté aussi longtemps au même endroit au cours des cinquante dernières années. Ce devait être le paradis. Quel soulagement pour le corps fragile de Rinpoché. 

Rinpoché enseignant depuis sa chambre à Kopan, avec ses animaux en peluche ornés de messages sur le Dharma, Népal, octobre 2020. Photo du Vén. Lobsang Sherab.

Mais les enseignements se sont poursuivis, en vidéo. Rinpoché s’asseyait sur le grand canapé de sa salle de séjour, entouré d’une population toujours plus nombreuse d’animaux en peluche loufoques, tous ornés de messages du Dharma et de mantras, et il enseignait quand il le voulait et aussi longtemps qu’il en avait envie.

Rinpoché était également entouré, bien sûr, d’un nombre incalculable de statues et de thankgas d’êtres saints et de photos de ses maîtres, chaque centimètre d’espace horizontal disponible étant couvert d’offrandes de bols d’eau. Quel que soit l’endroit où vivait Rinpoché, l’offrande des bols d’eau représentait toujours trois heures de travail par jour.

Lorsque les restrictions liées à la pandémie ont été assouplies, Rinpoché se rendait souvent au stoupa de Boudhanath et donnait des enseignements spontanés aux étudiants rassemblés avant de faire six circumambulations : une pour les êtres souffrant dans chacune des six sphères d’existence.

Ou bien il rencontrait de temps à autre des lamas locaux pour faire des poujas et des prières pour le bien du monde.

Rinpoché effectuant une pouja d’offrande d’encens sur la colline de Kopan, le 11 mai 2021. Photo du Vén. Lobsang Sherab.
Rinpoché conduisant des offrandes de lumière au Boudha Stoupa, décembre 2016. Photo du Vén. Lobsang Shérab.
Pendant la pandémie, Rinpoché se joignait souvent aux lamas locaux pour offrir des prières et des poujas pour le bien du monde ; ici (Rinpoché au milieu) au jardin du stoupa de Kopan avec Yéshé Gyaltsan, Khandro Tseringma Rinpoché, Mingyour Rinpoché, Tsoknyi Rinpoché, Theckchok Gyaltsan, et Khenrinpoché Geshe Chonyi, le 19 juillet 2020. Photo du Vén. Lobsang Sherab.

Une visite à Tsum

En avril 2023, Rinpoché a été invité à participer à des événements exceptionnels dans la vallée de Tsum, au nord-est de Katmandou, près de la frontière tibétaine, où son ami proche Guéshé Lama Kontchok avait passé des années à méditer dans des grottes associées au grand Milarépa : « Il vivait dans la terre pure de Vajra Yogini », disait Rinpoché. Guéshé-la était proche du lama local Droukpa Rinpoché, qui supervisait le monastère de Mu et le monastère pour femmes de Ratchèn, et il a beaucoup fait pour les soutenir lorsqu’il était sur place dans les années 1970.

En 2003, Droukpa Rinpoché avait demandé à Lama Zopa Rinpoché de prendre en charge les monastères. Un grand nombre des moines de Kopan et des moniales de Kachoe Ghakyil sont originaires de Tsum.

Rinpoché arrivant dans la vallée de Tsum, au Népal, le 10 avril 2023. Photo du Vén. Roger Kunsang.

Rinpoché avait demandé au monastère de Kopan de prendre soin d’eux – mais pas seulement sur le plan spirituel, et sans se contenter d’aider les moines et les moniales : Kopan a apporté des fonds pour l’éducation et les soins médicaux, ainsi qu’un soutien indispensable après le tremblement de terre de 2015. L’assistant de Guéshé Lama Kontchok, Guéshé Zopa, dit que Rinpoché était « le parent de tous les villageois ».

Les habitants de Tsum saluent joyeusement Rinpoché, le 10 avril 2023. Photo de Marko Gospodjinacki.
Rinpoché se rendant à la gompa Kagyou, Tsum, 11 avril 2023. Photo de Marko Gospodjinacki.

Pendant la semaine se célébrait le centième anniversaire de la proclamation de zone de non-abattage (et même, d’absence de nuisance) pour les animaux et autres créatures dans les treize villages de la région. « Il était impossible d’empêcher Rinpoché d’assister à un tel événement ! », explique Vén. Roger.

Le monastère pour femmes de Ratchèn devait être le centre des célébrations : un millier de personnes allaient prendre une initiation de Hayagriva très secret ; elles allaient offrir à Rinpoché une pouja de longue vie ; tous les villageois et les représentants des autorités allaient montrer leur reconnaissance à Rinpoché – même le Premier ministre du Népal devait venir à la fin de l’événement ; et, ce qui tenait à cœur à Rinpoché, il allait donner sa bénédiction pour que Ratchèn devienne officiellement un établissement non sectaire, dans lequel les enseignements et les pratiques engloberaient les quatre traditions tibétaines.

Rinpoché arriva à Tsum le 10 avril, bénissant d’abord le monastère de Mu, avant de rejoindre le monastère de Ratchèn. Tout se passa bien.

Rinpoché après sa visite au monastère Kagyou, Tsum, 11 avril 2023. Photo de Marko Gospodjinacki.
Rinpoché donnant un enseignement et des cadeaux aux organisateurs et aux volontaires à Tsum, le 12 avril 2023. Photo de Marko Gospodjinacki.

Le lendemain, Rinpoché se rendit dans un monastère Kagyou voisin, et il était manifeste que Rinpoché ne respirait pas aisément. « Mais nous ne nous sommes pas trop inquiétés » a déclaré Vén. Roger, « parce que Rinpoché vient d’altitudes plus élevées que celles-ci ».

Le lendemain, il n’y avait pas d’amélioration, des bouteilles d’oxygène ont donc été apportées, puis un équipement professionnel d’oxygène d’un village voisin.

À ce stade, Vén. Roger était inquiet. Comme il le faisait pour toutes les décisions importantes, il consulta Rinpoché, lui rappelant que les deux ou trois jours à venir seraient intenses et lui suggéra d’annuler le reste de la visite. Rinpoché fit plusieurs divinations et accepta que c’était le mieux.

La nouvelle se propagea rapidement parmi les villageois et beaucoup d’entre eux ne tardèrent pas à se rendre auprès de Rinpoché pour lui offrir des hommages joliment encadrés et lui exprimer leur dévotion et leur gratitude. Rinpoché les reçut à l’extérieur, sans oxygène, et pendant deux heures, il leur donna joyeusement des enseignements et la transmission d’une pratique.

Le troisième jour, le 12 avril, la respiration de Rinpoché ne s’était pas améliorée, et la venue d’un hélicoptère fut organisée pour le lendemain matin. Une infirmière expérimentée était arrivée et, avec d’autres personnes, elle surveilla Rinpoché toute la nuit, toutes les deux heures. Les assistants veillèrent également toute la nuit. 

Rinpoché donnant un enseignement et des cadeaux aux organisateurs et aux volontaires à Tsum, le 12 avril 2023. Photo de Marko Gospodjinacki.
Les villageois de Tsum ont offert leurs témoignages d’appréciation à Rinpoché, le 12 avril 2023. Photo de Marko Gospodjinacki.

L’hélicoptère arriva vers sept heures du matin et le pilote, comprenant l’urgence d’amener Rinpoché à une altitude plus basse, promit qu’il emprunterait l’itinéraire le plus rapide.

Rinpoché dissout son esprit dans l’étendue ultime

La jeep de Kopan était à l’aéroport de Katmandou, prête à accueillir Rinpoché. Malgré l’altitude plus basse, sa respiration restait difficile. Après avoir aidé Rinpoché à s’asseoir sur le siège avant et avant qu’ils ne démarrent, Vén. Roger recommanda à Rinpoché d’aller directement à l’hôpital. 

Rinpoché utilisa son mala pour faire une divination. « La façon dont Rinpoché a effectué le mo a été beaucoup plus rapide que d’habitude », raconte Vén. Roger. La réponse fut sans appel : « Non, allez directement à Kopan ».

Vén. Roger appela Kopan et leur demanda de faire venir le Dr Ram de l’hôpital Karuna, avec de l’oxygène et du matériel. Surveillant Rinpoché depuis la banquette arrière, Vén. Roger et les autres assistants sont restés tranquillement assis pendant les trente minutes de trajet dans le chaos de la circulation de Katmandou. Rinpoché, comme toujours, était en méditation. 

Enfin, à Kopan, ils franchirent les portes principales et prirent la route qui passe devant la gompa de Tchènrézi, de manière à pouvoir se garer près de la salle à manger, juste à côté de l’ascenseur qui mène à l’appartement de Rinpoché, situé au-dessus de la gompa principale. Le Dr Ram et ses deux assistants les attendaient avec anxiété. 

Dès que Vén. Roger ouvrit la portière de la voiture pour aider Rinpoché à sortir, il remarqua que la respiration de Rinpoché semblait s’être arrêtée.

Le Dr Ram était là et aida Vén. Roger à sortir Rinpoché de la voiture avec précaution sur une civière que les infirmières avaient préparée.

Le Dr Ram et son équipe passèrent les quatre-vingt-dix minutes suivantes à tenter désespérément de réanimer Rinpoché : ils vérifièrent que les voies respiratoires de Rinpoché étaient dégagées, effectuèrent des compressions thoraciques et pratiquèrent le bouche-à-bouche. « Ils n’ont pas arrêté. Ils ont fait tellement d’efforts » a expliqué Vén. Roger. 

Lui et les autres assistants sont restés silencieusement concentrés pendant toute la durée de l’opération : « Nous étions juste paralysés ». De loin, les étudiants se rassemblaient, comprenant peu à peu que c’est Rinpoché qui était étendu là, ne sachant que penser – et n’osant pas songer au pire.

Finalement, le Dr Ram, épuisé par ses efforts, se tourna vers Vén. Roger et lui dit : « Nous avons fait tout ce que nous pouvions ». Il était 9 h 30. 

Très paisiblement assis

Rinpoché est resté en méditation de la lumière claire de 9h30 le 13 avril jusqu’à 22h le 14 avril 2023. Photo du Vén. Roger Kunsang.

Après que la nouvelle déchirante a été diffusée dans le monde entier ce matin-là, l’un des maîtres de Rinpoché, Son Éminence Jhado Rinpoché, a immédiatement rédigé une prière pour le prompt retour de Rinpoché et a déclaré dans un message : « Le 13 avril 2023, Lama Zopa Rinpoché, Refuge Suprême et Lumière des Enseignements, a manifesté de manière inattendue l’aspect de la dissolution de son esprit dans l’étendue ultime. Malgré ce grand deuil, nous devons être réconfortés par la certitude que Rinpoché devait avoir une raison impérieuse d’agir ainsi. »

Afin de placer Rinpoché dans un endroit où il pourrait poursuivre sa méditation, on l’installa avec soin sur une chaise et on le monta dans l’ascenseur, jusqu’à son appartement, dans sa chambre.

Vén. Roger et les assistants ont assis Rinpoché dans son lieu de méditation habituel, avec ses pochettes de mantras de protection sur son corps, sa robe de moine safran autour de lui, les jambes croisées, les mains sur ses genoux – « elles sont entrées très facilement dans le moudra de méditation » – et tenant son mala. 

« Il était juste très paisiblement assis », rapporte Vén. Roger.

Un hommage pour les années à venir

Son éminence Ling Rinpoché a appelé Vén. Roger et suggéré qu’il serait de bon augure d’embaumer le corps sacré de Lama Zopa Rinpoché, une tradition qui n’est pas rare au Tibet, et d’utiliser les méthodes traditionnelles, sans produits chimiques ; Sa Sainteté le Dalaï Lama a donné son accord. Ling Rinpoché a estimé qu’en raison du grand nombre d’étudiants de Rinpoché et des liens qu’il entretenait avec des personnes du monde entier, le fait de conserver son corps sacré permettrait aux gens de lui rendre hommage dans les années à venir.

Ce processus commencerait dès qu’il serait établi que Rinpoché a terminé sa méditation.

Les moniales de Katcheu Ghakyil ont offert l’auto-initiation de Vajra Yogini chaque jour pendant quarante-neuf jours ; ici, avec d’autres étudiantes, elles font la pratique devant le corps sacré de Rinpoché, le 16 avril 2023.
Les moines tantriques de Kopan ont offert l’auto-initiation Guhyasamadja chaque jour pendant quarante-neuf jours ; ici, rejoints par les moines du Gyumed Tantric College devant le corps sacré de Rinpoché, le 17 avril 2023.
Des étudiants du monde entier se réunissent quatre fois par jour dans la gompa de Tchènrézi à Kopan, pour prier pour le retour rapide de Lama Zopa Rinpoché. Photo du Vén. Lobsang Shérab.

Rinpoché sort de sa méditation de claire lumière 

Pendant la méditation de Rinpoché, Vén. Roger a déclaré qu’il pouvait détecter « un parfum dans l’air » ; d’autres assistants l’ont également remarqué. 

Tard dans la soirée du deuxième jour, le 14 avril, pendant la récitation de l’auto-initiation de Guyhasamadja par les moines tantriques dans la pièce voisine de celle de Rinpoché – qui se poursuivait vingt-quatre heures sur vingt-quatre – l’un des assistants de Rinpoché, Vén. Tendar, qui connaissait bien la pratique, décida d’aller voir Rinpoché dès qu’il entendit la stance à la fin de la sadhana dans laquelle les quatre déesses demandent au yogi « dans un chant mélodieux et doux » de sortir de sa méditation de la claire lumière. Il remarqua alors la bodhicitta rouge qui sortait du nez de Rinpoché, signe que l’esprit avait quitté le corps, que Rinpoché avait terminé sa méditation de la claire lumière. Il était 22 heures.

Une tristesse incommensurable et un chagrin inexprimable

La nouvelle a suscité un flot de chagrin, non seulement de la part des étudiants de Rinpoché, mais aussi de ses propres lamas, de ses pairs et des milliers de personnes qui ont bénéficié de la grande générosité de Rinpoché dans le monde entier. 

Jhado Rinpoché a écrit que “Lama Zopa Rinpoché, Refuge Suprême et Luminaire des Enseignements, a manifesté de façon inattendue l’aspect de la dissolution de son esprit dans l’étendue ultime. Bien qu’il s’agisse d’une grande perte, nous devrions être réconfortés par la certitude que Rinpoché devait avoir une raison impérieuse de le faire”. Photo prise à Kopan en 2016 par le Vénérable Losang Shérab.
Rinpoché avait un lien étroit avec Son Éminence Ling Rinpoché, la réincarnation du 6e Kyabdjé Yongzin Ling Rinpoché. Photo du Vén. Lobsang Shérab.

Dans un message, Son Éminence Ling Rinpoché a déclaré que son cœur « s’était empli d’un immense chagrin » dès qu’il avait entendu « la triste nouvelle que Kyabdjé Lama Zopa Rinpoché avait montré l’aspect d’absorber soudainement son esprit saint dans le dharmadātu».   

Les centaines de moines de Kopan et de moniales de Kachoe Ghakyil ont entamé quarante-neuf jours de poujas et d’auto-initiations, vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les monastères et d’autres organisations ont offert des prières et des lampes à beurre. 

L’abbé de Kopan, Khèn Rinpoché Guéshé Thoubtèn Tcheunyi avec le vieil ami de Rinpoché, Tcheukyi Nyima Rinpoché, qui s’est joint aux prières pour le retour rapide de Rinpoché dans la gompa principale de Kopan, le 18 avril 2023. Photo de Kopan Monastery School.

Des milliers d’étudiants du monde entier, chez eux et dans les centres, se sont réunis chaque jour sur Zoom pour réciter les prières conseillées par Sa Sainteté le Dalaï Lama – parmi elles, des demandes sincères de prompt retour à Rinpoché, dont une rédigée par Sa Sainteté.

Les résidents du Doeguling Home for Elderly and Disabled, situé dans le camp de réfugiés tibétains de Doeguling à Mundgod, prient pour le retour rapide de leur bienfaiteur, Lama Zopa Rinpoché.

Au cours des jours et des semaines qui ont suivi, des étudiants du monde entier ont afflué à Kopan, pour un jour, une semaine ou plus longtemps, se réunissant quatre fois par jour dans la Gompa de Tchènrézi, de petits groupes se réunissant chaque après-midi près du corps sacré de Rinpoché, récitant des prières ensemble. 

Environ quatre-vingts monastères et organisations, ainsi que des lamas et d’autres personnes, ont écrit des lettres sincères ou sont venus personnellement à Kopan. Le sentiment dominant exprimé par tous, en personne ou dans leurs lettres de condoléances, était celui du deuil, de la tristesse, du choc.

Les moines du monastère de Sera djé se rassemblent pour prier pour le retour rapide de Rinpoché. Avec l’aimable autorisation du monastère de Sera djé.

Le chef spirituel de la tradition guélougpa, le Gandèn Tripa, Lobsang Tènzin Rinpoché, a déclaré qu’en apprenant le décès de « l’incomparable Sauveur glorieux », il s’était senti « triste et perdu. Bien qu’il s’agisse d’une dévastation pour le Dharma, Rinpoché avait accompli la mission de sa vie ».

Sa Sainteté le 17e Gyalwang Karmapa, Ogyen Trinley Dorjdé, a déclaré : « J’ai moi-même rencontré ce grand maître à de nombreuses reprises et j’ai été impressionné par sa nature et son comportement humbles et ouverts ». Il a ajouté que « sa pratique principale était la bodhichitta ; il était l’exemple vivant des anciens maîtres Kadampa. Il était connu comme un maître de la lignée guélougpa, mais il avait une vision profonde et pure de toutes les lignées. »

Son Éminence Gandèn Tri Rinpoché Jétsun Lobsang Tènzin, le chef spirituel des gélougpas, a visité Kopan et a gracieusement présenté ses respects à Rinpoché, ici accueilli par l’abbé de Kopan, Khèn Rinpoché Guéshé Tcheunyi, Vén. Roger Kunsang et la Vénérable Holly Ansett, 19 avril 2023. Photo prise par le Vénérable Lobsang Shérab.

Le chef suprême de l’ordre Sakyapa, Sa Sainteté le Gonmar Tritchèn, a déclaré que dès qu’il avait appris « la triste nouvelle du décès de Son Éminence Lama Zopa Rinpoché, qui a extraordinairement consacré sa vie entière au bouddhadharma dans tous ses aspects d’enseignement, de pratique et de rituels, j’ai immédiatement ressenti un immense sentiment de deuil, de chagrin et d’impuissance ».

Son Éminence le 12e Jamgon Kenting Tai Situ Rinpoché s’est rendu à Kopan et s’est entretenu personnellement avec Rinpoché pendant une demi-heure, comme s’il était encore vivant : « D’accord ! Vous êtes celui qui a renoncé à toute sa vie au nom des précieux enseignements du Bouddha, sans rien vouloir en retour. Grand et noble Zopa Rinpoché, mon ami, mon vieil ami ».

Son Éminence le 12e Jamgon Kènting Tai Situ Rinpoché a eu une conversation sincère avec Lama Zopa Rinpoché, devant le corps sacré de Rinpoché, Kopan, 14 mai 2023. Avec l’aimable autorisation de la page Facebook du monastère de Kopan.

Dromo Guéshé Rinpoché a évoqué dans une lettre « le deuil d’un maître si précieux et si aimant ». 

Le soir du 13 avril, Guéshé Thoubtèn Rintchèn Rinpoché, du monastère de Séra Mé, qui connaissait Rinpoché depuis l’époque où ils avaient vécu ensemble à Buxa, a déclaré aux moines de la maison de Kopan à Séra Djé qu’après avoir réfléchi toute la journée à la disparition de ce « grand et inconcevable être saint, je suis devenu incommensurablement triste et inexprimablement accablé par le chagrin ».

Khandro Tséringma Rinpoché a eu le cœur brisé : “ses yeux se sont remplis de larmes de chagrin”. Ici, au Bhoutan, le 27 mai 2016. Photo par Ven. Roger Kunsang.

La disciple dévouée de Rinpoché, Khandro Tseringma Rinpoché, qui est venue immédiatement à Kopan, avait le cœur brisé. « Je vous y exhorte, je vous y exhorte :  jaillissez pour le bien des transmigrants ! » écrit-elle dans sa prière de prompt retour. « Jaillissez !   Jaillissez ! Jaillissez de la sphère du dharmakaya ! Sans vous attarder à Khétchara ou dans d’autres terres pures. […] Cette lamentation a jailli de la dakini pleine de foi, aux purs samayas ; mes yeux sont noyés par le chagrin. »

Tènzin Osèl Hita, la réincarnation de Lama Yéshé, a échangé avec des étudiants présents à Kopan [voir la vidéo traduite en français].

Lama Tènzin Osèl Rinpoché a donné une conférence aux étudiants de Kopan, le 18 avril 2023. Photo de la Vénérable Sarah Thresher.

L’abbé de Gandèn Shartsé, Khèn Rinpoché Djangtchoup Sangyé, originaire du monastère de Mu dans la vallée de Tsum, a écrit à Vén. Roger que pour les habitants de Tsum, « Kyabjé Lama Zopa Rinpoché, dont la bonté est incommensurable tant sur le plan spirituel que matériel, était le maître principal et le chef spirituel des monastères de Mu et de Ratchèn ». 

Tcheukyi Nyima Rinpoché, un ami proche de Lama Zopa Rinpoché depuis l’époque où ils étaient ensemble à l’école dirigée par Freda Bedi, a déclaré : « Aujourd’hui, alors que je réfléchis à ses entreprises capitales pour le bien des êtres, j’éprouve un profond sentiment d’admiration et d’appréciation et un sentiment encore plus profond de deuil à l’occasion de sa disparition ».

Tèngyou Toulkou de la maison de Rinpoché à Séra Djé a écrit : « il ne fait aucun doute que Rinpoché est le détenteur de la lignée de pratiques Kadam et que chaque mot qu’il prononçait provenait de sa pratique, faisant de lui un joyau unique et rare dans ce monde ».

Lama Zopa Rinpoché avec Tcheukyi Nyima Rinpoché. Février 2016. Photo du Vén. Roger Kunsang.

Un lama, Léloung Rinpoché, est venu à Kopan le jour où Rinpoché a cessé de respirer pour lui rendre hommage. Sa prière sincère pour le prompt retour de Rinpoché a été « écrite spontanément » alors qu’il était assis dans la pièce voisine de celle où Rinpoché méditait, « en se souvenant de la vie et des activités du grand être, de la grande lampe inégalée des enseignements, le suprême Lama Thoubtèn Zopa Rinpoché, au moment où il est parti pour le bien d’autrui, le 13 avril 2023 ».

Tous les lamas ont exhorté les étudiants de Rinpoché, comme l’a fait Sa Sainteté le Karmapa, « à poursuivre comme avant votre pratique de l’écoute, de la contemplation et de la méditation, sans relâcher le moindre effort. Veuillez faire tout votre possible pour exaucer les souhaits de ce grand et glorieux lama. »

De nombreux autres lamas se sont rendus à Kopan : Osèl Dordjé Rinpoché ; Son Éminence Djangtsé Tcheudjé Kyabdjé Gosok Rinpoché ; Khèn Rinpoché Guéshé Tashi Tséthar, abbé du monastère de Séra Djé ; Son Éminence Kyabdjé Zong Rinpoché ; Son Éminence le 3e Serkong Dordjé Tchang Rinpoché ; Khèn Rinpoché Kyabdjé Thamthok Rinpoché ; Mingyour Rinpoché ; Shérab Tendar Rinpoché du monastère d’Osèl Tcheuling ; Ngawang Lapsoum Rinpoché, lama en chef du monastère de Rolwaling ; Sendak Toulkou Rinpoché, président de l’Association bouddhiste nyingma du Népal ; Khènpo Gyourmé Tsultrim du monastère de Shéchèn ; Khèn Rinpoché Tènzin Drogon, abbé du monastère de Sheldar Tcheudé ; Ani Tcheuying Drolma.

«Comme si le cher Lama Zopa Rinpoché était juste à côté de moi»

Les Vénérables Tènpa Tcheuden et Thubtèn Kunkèn de Kopan (à gauche) et quatre membres du Bureau de la FPMT, Khèn Rinpoché Guéshé Tcheunyi, le Vénérable Roger Kunsang et Dale Davis ont reçu les conseils de Sa Sainteté le Dalaï Lama à Dharamsala le 26 avril 2023. Photo prise par le bureau de Sa Sainteté le Dalaï Lama.

Dans un message accompagnant sa prière pour le retour rapide de Rinpoché, Sa Sainteté le Dalaï Lama a déclaré : « Bien qu’il soit bouleversant que Zopa Rinpoché nous ait quittés de cette manière, le plus important est que, lorsqu’il était avec nous, il avait fait de l’esprit précieux de l’éveil le fondement de sa pratique.

C’est pourquoi, si les disciples qu’il laisse perpétuent correctement la vie du maître, c’est précisément ce qui permettra de réaliser les souhaits de Rinpoché. 

Alors, n’oubliez pas cela, adressez aussi dès maintenant des demandes aux Trois Joyaux et des prières de dédicace sincères. »

Lors d’une rencontre avec Vén. Roger et d’autres membres du conseil d’administration de la FPMT à Dharamsala le 26 avril 2023, Sa Sainteté a promis qu’il aiderait à identifier la réincarnation. 

« J’ai beaucoup d’affection pour mon cher Rinpoché. Il a été si loyal et si bon envers moi. C’est pourquoi j’ai la responsabilité de trouver la réincarnation authentique de Lama Zopa Rinpoché. » Et s’il n’est pas sage, Sa Sainteté a ajouté en riant : « Je disciplinerai l’enfant moi-même ! »

Rinpoché avait demandé que personne ne le remplace en tant que directeur spirituel après sa mort. Au nom du conseil d’administration de la FPMT et conformément aux souhaits de Rinpoché, Vén. Roger a demandé des conseils à Sa Sainteté. 

« De mon côté, a promis Sa Sainteté, je continuerai à apporter tout le soutien possible, comme si ce cher Lama Zopa Rinpoché était juste à côté de moi.

« Il est important de continuer à réaliser les souhaits que Lama Zopa Rinpoché avait formulés de son vivant. »

Vén. Roger Kunsang offrant un mandala lors d’une pouja de longue vie pour Lama Zopa Rinpoché au Grand Stupa de la Compassion universelle, près de Bendigo, en Australie, le 13 mai 2018. Photo du Vén. Lobsang Sherab.

Colophon du texte anglais :
Rédigé par la Vén. Robina Courtin, en s’appuyant sur la bibliographie suivante : Lawudo Lama, Vén. Jamyang Wangmo, Wisdom Publications ; Big Love, Adele Hulse, Lama Yeshe Wisdom Archive ; Wisdom magazine 2, 1984, Lama Yeshe Wisdom Archive ; entretiens avec Vén. Ngawang Samtèn en 1993 et 2001, Mandala magazine, fpmt.org.

Colophon de la traduction française :
Traduit de l’anglais par les Éditions Mahayana (2023). Tous droits réservés. Lien du texte original.


Pour aller plus loin…

Et la pratique du cœur que Lama Zopa Rinpoché conseille à ses étudiants de faire chaque matin : La méthode qui transforme une vie de souffrance en bonheur.


2 réflexions sur “Éloge à Lama Zopa Rinpoché, par la Vén. Robina Courtin”

  1. L’éloge de Vénérable Robina à Lama Zopa est magnifique, avec des photos très belles. Je ne me lasse pas de le lire et le relire. Je n’ai jamais rencontré Lama Zopa Rinpoché, que je considérais un peu comme mon maître (mais en avais-je seulement le droit ?)… Je l’ignore. Toutefois son amour inconditionnel pour les animaux m’émeut profondément ! Puisse-t-il revenir vite parmi nous dans cette vie…

  2. Bouleversante et émouvante éloge à Lama Zopa Rinpoché….. Merci à la Vénérable Robina pour ce cadeau…. Quel modèle de renoncement et d’altruisme nous est offert là. Le Vénérable Roger a déclaré :”C’est le mode de vie du bodhisattva, c’est le mode de vie du bodhisattva…” Je n’ai pas de mots assez forts pour décrire l’immense reconnaissance que j’éprouve d’avoir pu rencontrer dans cette vie-ci un “si grand bodhisattva…” Puissiez-vous ne pas nous laisser trop longtemps sans votre compassion, votre bonté, votre rire et…. vos enseignements…. A très bientôt Rinpoché….. On vous aime…. Ani Thubten Tenzin

Laisser un commentaire

Articles récents